Le financement par dette
Les entreprises vont procéder à un emprunt : c'est un contrat par lequel elles s'engagent à verser régulièrement des intérêts et à rembourser le capital suivant un échéancier.
Il existe une grande variété de financement par dette à long terme et de nombreuses innovations sont apparues dans ce domaine, Tufano (1995)
L'emprunt obligataire
C'est une modalité de financement qui se développe fortement à partir des années 60 dans un contexte de désintermédiation.
Une obligation est un titre négociable sur un marché secondaire. Elle a plusieurs caractéristiques :
- valeur nominale (faciale) : droit de créance porté
par le titre
- prix d'émission : auquel il est mis sur le marché (Il
peut différer du nominal et être au dessus ou au dessous du pair).
- prime de remboursement : valeur supérieure au nominal
- amortissement de l'emprunt : son remboursement. Ex :
in fine (date), par annuités constantes...
- périodicité des coupons : calcul des intérêts.
Ex : taux fixe, variable, indexé ou révisable
- date de jouissance : à partir de laquelle les
intérêts commencent à courir
- échéance du titre : date du dernier flux de
remboursement. La maturité est le temps restant jusqu'à l'échéance.
Une entreprise qui souhaite émettre des obligations dispose de deux modalités :
- le placement privé : concerne un petit groupe
d'investisseurs qualifiés (moins formel et moins coûteux)
- l'appel public à l'épargne : il faut établir un
prospectus d'émission visé par l'AMF, mandater une banque d'investissement responsable
de l'opération, réaliser un document sur l'émetteur...
On distingue les obligations au porteur et nominatives selon que l'entreprise connaît ou non l'identité du propriétaire des titres. Aujourd'hui la plupart des obligations sont au porteur car elles sont plus liquides.
Il existe des obligations avec collatéral (Asset Backed Securities) qui prévoient des actifs comme garantie de la dette (ex : mortgage).
L'entreprise et les créanciers tiennent compte de plusieurs éléments :
- le spread (marge
actuarielle) : écart entre le taux de rentabilité d'un emprunt donné et
celui d'un emprunt de référence de maturité identique (en général sans risque,
ex : OAT)
- la volatilité : relation inverse entre obligation et
taux d'intérêt (d'où les taux variables et l'indexation)
- la notation financière : permet d'apprécier le risque
de solvabilité de l'emprunteur
- la séniorité : détermination du rang de priorité des
créanciers en cas de défaillance de l'emprunteur (on distingue dette senior et
junior)
- les covenants
(clauses de sauvegarde) : engagements pris par l'emprunteur dans les
prospectus qui augmente le coût de la dette en cas de non-respect
Ex :
clause d'engagement de faire ou de ne pas faire
Ex :
clause de pari passu, les mêmes
avantages doivent être accordés aux anciens créanciers
Ex :
clause de cross default,
remboursement immédiat en cas de défaut sur un autre crédit
- le remboursement anticipé : droit pour l'émetteur de
racheter ses obligations à une certaine date (elles sont callables). Pour Bodie & Taggart (1978) cela libère des
opportunités d'investissement.
L'emprunt bancaire
Endettement auprès d'un établissement de crédit ou de plusieurs (auprès d'un pool de banques), on parle alors de crédit syndiqué. Il est nécessaire de mandater un underwriter pour monter l'opération et un bookrunner pour placer les titres.
Cela permet d'obtenir un montant plus élevé dans un cadre bien défini, concernant les interlocuteurs notamment ou les règles de décision.
C'est également un outil de communication financière, il traduit la confiance des banques dans la conduite de la gestion de l'entreprise.
Ce sont les établissements de crédit qui ont initialement mis en place les covenants, afin de s'assurer du bon remboursement des prêts.
On oppose généralement emprunt bancaire et obligataire, même
si en réalité les mécanismes se rapprochent de plus en plus.
Ex :
coût plus faible sans intermédiation
Ex :
relation plus forte avec un Etablissement de crédit
Ex :
durée plus longue pour les obligations
Ex :
refinancement est prévu pour les crédits bancaires (...)
Mais selon Altman & Suggitt (2000) les taux de défaillance des prêts syndiqués sont plus élevés que ceux des obligations d'entreprise comparables.
Les titres de créance négociables (TCN)
Ils permettent aux entreprises d'emprunter directement auprès d'investisseurs ou d'autres entreprises sans passer par le système bancaire. Les conditions sont proches de celles du marché monétaire (commercial papers).
C'est une solution flexible et de court terme (entre 1 jour et 1 an).
On distingue trois types de titres :
- les billets de trésorerie émis par les entreprises
- les certificats de dépôt émis par les établissements de
crédit (ou des institutions financières spécialisées)
- les bons à moyen terme négociables (BMTN) émis par
les établissements de crédit pour une
durée supérieure à 1 an
Les TCN offrent aux investisseurs un placement sûr, rentable et liquide.
Les financements hybrides
Sont issus des innovations financières liées à la déréglementation, Carow, Erwin & McConnell (1999)
- Les obligations convertibles :
Elles donnent au souscripteur la possibilité d'échanger son titre contre une ou des actions pendant une période donnée. Il faut tenir compte de quatre caractéristiques :
- La période de conversion
- La base de conversion : nombre d'actions
- La prime de conversion : surcoût pour
obtenir une action
- La valeur de l'OC = obligation classique +
option d'achat d'actions
Sur un plan analytique, les obligations convertibles possèdent plusieurs avantages, Bancel & Mittoo (2004) :
- Réduction des conflits actionnaires / créanciers
- Réduction des conflits actionnaires dirigeants / actionnaires externes
- Financement de la croissance sans augmentation
de capital
Ex : réaction positive du marché si les obligations convertibles sont émises par des entreprises connaissant une forte croissance, Jen, Choi & Lee (1997).
Le produit de référence est aujourd'hui l'OCEANE, c'est une obligation convertible en actions nouvelles ou existantes, car l'entreprise peut être titulaire d'actions suite à un rachat.
- Les obligations échangeables :
Ex : les obligations remboursables en actions (ORA) qui
n'entraînent pas de flux financiers mais sont peu attractives car elles
comportent du risque en termes de remboursement (volatilité du cours)
Ex : les obligations à bons de souscription d'actions
(OBSA), covered warrants
Un BSA est un titre financier permettant de souscrire pendant une période donnée, dans une proportion et à un prix fixés à l'avance, à un autre titre financier. C'est une alternative au DPS d'une augmentation de capital.
Ce sont des options d'achat (call) sur des actions à émettre ou existantes. Elles permettent de gérer la transition vers une nouvelle structure financière.
- Les quasis fonds-propres :
Ex : les comptes courants d'associés bloqués
Ex : les prêts participatifs, ce sont des prêts sans
garantie qui sont des créances de dernier rang.
Ils comportent généralement une partie fixe et une partie variable liée aux performances de l'entreprise (ex : financement BPI)
Ex : les titres subordonnés, ce sont des obligations d'avant dernier rang.
Les titres sont, en principe, à durée indéterminée. Ils ont un coupon annuel payé uniquement en cas de versement d'un dividende. Si la subordination est limitée dans le temps, on parle de titres subordonnés remboursables (TSR) car le remboursement est à échéance déterminée. La rémunération est supérieure à celle des obligations classiques car les titres sont plus risqués.
Conclusion
Lien fort avec la théorie des structures financières.
Lien fort avec les choix de gestion.
Références
ALTMAN, Edward & SUGGITT, Heather : "Default rates in the syndicated bank loan market", Journal of Banking and Finance, 2000
BANCEL, Franck & MITTOO, Usha : "Why Do European Firms Issue Convertible Debt ?", European Financial Management, 2004
BODIE, Zvi & TAGGART, Robert : "Future investment opportunities and the value call provision on a Bond", Journal of Finance, 1978
CAROW, Kenneth ; ERWIN, Gayle & McCONNELL, John : "A survey of US corporate financing innovations", Journal of Applied Corporate Finance, 1999
JEN, Frank ; CHOI, Dosoung & LEE, Seong-Hyo : "Some new evidence on why companies use convertible bonds", Journal of Applied Corporate Finance, 1997
TUFANO, Peter : "Securities innovations: a
historical and functional perspective", Journal of Applied Corporate Finance, 1995