Evaluations spécifiques

Pour certaines activités ou pour certaines entreprises ayant des particularités marquées (jeune entreprise technologique innovante), on va mettre en œuvre une démarche d'évaluation spécifique qui ne relève pas toujours des approches classiques (flux, comparaisons, patrimoine) ou qui les combine de manière originale.

Les évaluations du secteur immobilier reposent en grande partie sur un marché dynamique et une approche historique qui permet d'utiliser les démarches classiques. Les évaluations d'entreprises innovantes récentes mobilisent des techniques plus qualitatives car les données financières sont plus fragiles.

L'évaluation dans le secteur immobilier

La politique immobilière des entreprises permet de dégager des niveaux de rentabilité importants qu'il convient d'évaluer. A l'image des normes IFRS qui mettent en valeur les immeubles de placement ou de l'utilisation de sociétés spécifiques pour gérer le patrimoine (Sociétés Civiles Immobilières) il faut être en capacité d'apprécier la valeur de ces biens.

On peut naturellement utiliser une approche comparative qui utilisera les transactions du marché immobilier de biens comparables (notamment la localisation) et pourra s'exprimer en fonction de la surface du patrimoine.

On distingue la valeur vénale qui correspond à une logique liquidative de vente du bien aux conditions du marché et la valeur locative qui correspond aux flux de trésorerie que l'on peut attendre de la location du bien aux conditions du marché. Un arbitrage est possible et doit tenir compte à la fois de considérations économiques (tendances du marché) et juridiques (renouvellement d'un bail, droit de propriété, fiscalité...).

On peut utiliser une méthode d'évaluation par le revenu : il s'agit d'évaluer le bien en termes de revenus potentiels qu'ils vont générer et de les actualiser en fonction de la durée de leur possession. C'est une approche par les flux, de nature plus économique et dynamique : on estime que la propriété de ces biens immobiliers génère de la richesse.

On peut utiliser une approche par le coût de remplacement qui repose sur une logique financière : on évalue le financement qui serait nécessaire pour constituer le même patrimoine immobilier (et qui est a priori source de valeur pour l'entité).

On distingue le coût de remplacement à l'identique (plutôt rare et adapté aux immeubles anciens que l'on souhaite assurer) et le coût de remplacement à l'équivalent (qui tient compte des évolutions de la nature du bien). Le coût de remplacement prend à la fois en compte le prix actuel du bien, les taxes non remboursables, les frais, les honoraires ainsi que le montant total à débourser pour la reconstruction du bâtiment à l'identique, ou à l'équivalent (si on se base sur les nouvelles normes techniques et environnementales). On distingue les montants brut et net (décote en raison de la vétusté et de l'usure du bien).

Des ajustements de la valeur sont possibles en utilisant des méthodes indiciaires (évolution des prix constatés par les notaires notamment).

Enfin, certains biens spécifiques peuvent être évalués à l'aide de ratios professionnels : on les applique à des surfaces commerciales pour valoriser un futur chiffre d'affaires (cinémas, cliniques, cafés, hôtels, restaurants, boulangeries...). C'est la méthode des multiples.

L'évaluation des start-ups

A la création d'une entreprise innovante ayant un fort potentiel de croissance il est extrêmement difficile de réaliser une évaluation fiable de la valeur de l'entité. C'est pourtant un enjeu fondamental pour le financement de ses activités.

Utiliser les méthodes traditionnelles d'évaluation semble inadapté car elles reposent sur des hypothèses qui ne correspondent pas à l'incertitude forte propre à ces entreprises.

On peut utiliser la méthode du venture capital : afin d'envisager l'entrée de nouveaux actionnaires au capital de l'entreprise à une échéance donnée, l'investisseur doit raisonner sur la valeur qu'il espère obtenir à la sortie (en cédant sa participation).

On valorise l'entreprise à maturité sur la base de multiples (ex : PER du secteur) et des inducteurs du business plan (ex : Résultat net) avant la levée de fonds (pre-money).

On valorise l'entreprise aujourd'hui en actualisant la valeur attendue à maturité compte tenu d'un risque de faillite élevé et de prévisions peu fiables (donc taux très élevé) en considérant que l'on a investi les fonds (post-money).

On retire cet investissement pour évaluer la valeur de la start-up pre-money.

Ainsi une grande partie de l'analyse repose sur les prévisions du business plan qui restent fortement hypothétiques. L'horizon retenu est généralement de 5 ans. Les taux d'actualisation vont, en pratique de 25 à 75% en fonction de la maturité, Damoradan (2018).

On doit donc tenir compte des aspects managériaux de nature plus qualitative. Le style de direction du manager ou les qualités personnelles des personnels vont beaucoup influencer les investisseurs (logique interne de ressources et de compétences). Le diagnostic stratégique externe va jouer un rôle clé : analyse de l'environnement, de la concurrence et de la technologie... car l'entreprise doit pouvoir obtenir un avantage concurrentiel.

On peut également utiliser la méthode des options : plutôt que d'opérer une projection dans le futur, on procède par étapes en envisageant régulièrement que l'entreprise ne parvienne à réaliser ses projets. Cela permet de valoriser un projet qui n'arriverait pas à échéance, on parle alors d'une option réelle.

Il faut construire un arbre d'évènements qui correspond à chaque étape du développement de l'entreprise et y associer des valeurs (de nombreuses méthodes sont possibles allant de simulations sophistiquées à une simple prévision en passant par le modèle de Black & Scholes). Ainsi on construit un arbre de décisions pour comparer les gains et les pertes de chaque séquence avec des probabilités associées.

Cette méthode n'est pas récente et pensée pour les start-ups, on la retrouve par exemple dans les travaux classiques sur la création de valeur, Copeland et al. (2000). Elle a été lourdement critiquée pour les résultats qu'elle a produit lors de la bulle spéculative de 2001.

Références :

COPELAND, Tom ; KOLLER, Tim & MURRIN, Jack : La stratégie de la valeur L'évaluation d'entreprise en pratique, Editions d'organisation, 2000, traduit en 2002

DAMODARAN, Aswath : The Dark Side of Valuation Valuing Young, Distressed, and Complex Businesses, Pearson, 2018, 2nd edition

PEREZ Marie, MCHAWRAB Safwan, « Les apports de l'approche optionnelle à la valorisation : le cas d'eBay », Annales des Mines - Gérer et comprendre, 2009

MEUNIER, François : Comprendre et évaluer les entreprises du numérique, Eyrolles, 2017

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