Déontologie et principes fondamentaux

Les deux principales professions comptables en France relevant du domaine des professions libérales réglementées sont astreintes à des règles d'éthique et de déontologie spécifiques. Ces normes précisent les modalités d'exercice de la profession dans le cadre institutionnel défini précédemment. Elles vont justifier les règles particulières de responsabilité applicables aux professions comptables.

Les codes d'éthique ont plusieurs origines. L'IFAC publie un code qui est régulièrement mis à jour et sert de base aux professions comptables françaises. Le code de déontologie de la profession de commissaires aux comptes a été intégré au code de commerce en 2020. Le code de déontologie des professionnels de l'expertise comptable a été établi par décret en 2012 et fait également l'objet de mises à jour régulières.

Principes généraux de comportement

Les professions comptables doivent exercer leur activité avec intégrité. L'article 3 du code des CAC indique : « Le commissaire aux comptes exerce son activité professionnelle avec honnêteté et droiture. Il s'abstient, en toutes circonstances, de tout agissement contraire à l'honneur et à la probité. » L'article 145 du code des EC précise qu'ils « exercent leur activité avec compétence, conscience professionnelle et indépendance d'esprit. Elles s'abstiennent, en toutes circonstances, d'agissements contraires à la probité, l'honneur et la dignité. » Cet article précise également qu'elles « veillent à ce que les professionnels de l'expertise comptable qu'elles emploient fassent preuve des mêmes qualités et adoptent le même comportement. »

Les professions comptables doivent donc s'abstenir de tout comportement contraire à l'honneur et à la probité. Pour les CAC cela signifie que les informations fausses ou trompeuses doivent être relevées. Pour les EC cela implique de ne pas passer ou faire passer des écritures inexactes ou fictives. Par ailleurs, les cadeaux proposés par les clients ne doivent pas être acceptés.

L'exercice de l'activité professionnelle doit conserver une attitude impartiale. L'impartialité est prévue à l'article 4 du code des CAC : « Dans l'exercice de son activité professionnelle, le commissaire aux comptes conserve en toutes circonstances une attitude impartiale. Il fonde ses conclusions et ses jugements sur une analyse objective de l'ensemble des données dont il a connaissance, sans préjugé ni parti pris. Il évite toute situation qui l'exposerait à des influences susceptibles de porter atteinte à son impartialité. » Le terme n'est pas utilisé dans le code EC.

L'impartialité repose donc sur l'objectivité professionnelles et la qualité des informations collectées. Leur analyse doit se dérouler de manière équitable sans laisser des facteurs influencer le jugement professionnel.

Le commissaire aux comptes doit exercer sa mission dans une attitude caractérisée par un esprit critique souligné par l'article 6 du code de déontologie. Le CAC procède à une évaluation critique des éléments probants pour la certification des comptes : il cherche l'existence d'anomalies significatives découlant d'erreurs ou de fraudes et doit donc s'assurer de la sincérité des informations collectées et susceptibles d'êtres transmises. On parle parfois du scepticisme professionnel pour décrire l'attitude à adopter face aux données comptables que le CAC doit vérifier.

La compétence professionnelle repose sur la formation des professions comptables et sur leur expérience. L'article 7 du code des CAC précise ainsi que « Le commissaire aux comptes doit posséder les connaissances théoriques et pratiques nécessaires à la réalisation de ses missions et de ses prestations. Il maintient un niveau élevé de compétence, notamment par la mise à jour régulière de ses connaissances et la participation à des actions de formation. Le commissaire aux comptes veille à ce que ses collaborateurs disposent des compétences appropriées à la bonne exécution des tâches qu'il leur confie et à ce qu'ils reçoivent et maintiennent un niveau de formation approprié. »

Ce principe justifie l'exigence de diplôme pour exercer les professions comptables. Cela passe aussi par la formation continue tout du long de l'activité (elle est obligatoire pour les CAC pour une durée de 120h au cours de 3 années successives avec au moins 20h par an, elle est facultative pour les EC mais ils ont adopté le même volume comme recommandation). Le principe de compétence est également associé à l'existence des contrôles (H2A, AMF, administration fiscale…).

Avant d'accepter des missions, les cabinets doivent s'assurer au préalable de l'existence des compétences requises et de leur disponibilité. L'article 7 du code des CAC dispose que : « Lorsqu'il n'a pas les compétences requises pour réaliser lui-même certains travaux indispensables à la réalisation de sa mission ou de sa prestation, le commissaire aux comptes fait appel à des experts indépendants de la personne ou de l'entité pour laquelle il les réalise. » L'article 148 du code des EC indique pour sa part que les entités « s'assurent que les collaborateurs auxquels elles confient des travaux ont une compétence appropriée à la nature et à la complexité de ceux-ci, qu'ils appliquent les critères de qualité qui s'imposent à la profession et qu'ils respectent les règles » du code.

Principes spécifiques de comportement

Les professions comptables doivent mener leur activité en toute indépendance. L'indépendance repose sur l'évitement de toute forme de conflit d'intérêts.

Pour le commissaire aux comptes c'est l'article 5 du code de déontologie qui développe le principe : « I. - Le commissaire aux comptes doit être indépendant de la personne ou de l'entité à laquelle il fournit une mission ou une prestation. Il doit également éviter de se placer dans une situation qui pourrait être perçue comme de nature à compromettre l'exercice impartial de sa mission ou de sa prestation. Ces exigences s'appliquent pendant toute la durée de la mission ou de la prestation, tant à l'occasion qu'en dehors de leur exercice.

Toute personne qui serait en mesure d'influer directement ou indirectement sur le résultat de la mission ou de la prestation est soumise aux exigences d'indépendance mentionnées au présent article.

II. - L'indépendance du commissaire aux comptes s'apprécie en réalité et en apparence. Elle se caractérise par l'exercice en toute objectivité des pouvoirs et des compétences qui sont conférés par la loi. Elle garantit qu'il émet des conclusions exemptes de tout parti pris, conflit d'intérêt, influence liée à des liens personnels, financiers ou professionnels directs ou indirects, y compris entre ses associés, salariés, les membres de son réseau et la personne ou l'entité à laquelle il fournit la mission ou la prestation. Elle garantit également l'absence de risque d'autorévision conduisant le commissaire aux comptes à se prononcer ou à porter une appréciation sur des éléments résultant de missions ou de prestations fournies par lui-même, la société à laquelle il appartient, un membre de son réseau ou toute autre personne qui serait en mesure d'influer sur le résultat de la mission ou de la prestation.

III. - Lorsqu'il se trouve exposé à des situations à risque, le commissaire aux comptes prend immédiatement les mesures de sauvegarde appropriées en vue, soit d'en éliminer la cause, soit d'en réduire les effets à un niveau suffisamment faible pour que son indépendance ne risque pas d'être affectée et pour permettre l'acceptation ou la poursuite de la mission ou de la prestation en conformité avec les exigences légales, réglementaires et celles du présent code.

Lorsque les mesures de sauvegarde sont insuffisantes à garantir son indépendance, il met fin à la mission ou à la prestation. »

Le CAC fait donc l'objet d'interdictions : emploi salarié (sauf enseignement ou chez un professionnel), activité commerciale (sauf si elle est accessoire à la profession), prise d'intérêt dans la société contrôlée, nomination sur un poste de mandataire social d'une entité contrôlée ou moins de 3 ans après la cessation des fonctions. De même, l'article 5 du règlement de l'Union européenne de 2014 interdit certains services autres que l'audit pour les entités d'intérêt public : fiscalité, gestion, comptabilité, paie, contrôle interne, évaluation, juridique, financement, placement de titres, RH. Enfin, le code de commerce interdit la poursuite de l'activité de certification en cas de risque d'autorévision (apprécier ses propres travaux ou ceux d'un membre de son réseau), si son indépendance est compromise et qu'aucune mesure de sauvegarde ne peut y remédier. Son indépendance peut être remise en cause en raison de liens personnels (ascendants, descendants, collatéraux, conjoints, PACS ou concubins), de liens financiers (accès au capital, aux droits de vote, prêt, avance, assurance ou sûreté) ou de liens professionnels (salariat ou relations d'affaires).

Le CAC ne peut donner de consultations juridiques et rédiger des actes sous seing privé que s'il s'agit de son activité principale ou d'une activité accessoire directement de la prestation fournie. « Le total des honoraires reçus d'une personne ou entité dont les comptes sont certifiés et, le cas échéant, d'une personne ou entité qui la contrôle ou qui est contrôlée par elle (…) ne doit pas créer de dépendance financière du commissaire aux comptes à l'égard de la personne ou de l'entité dont les comptes sont certifiés. » Il est soumis au principe de non-immixtion dans la gestion.

Pour l'expert-comptable, l'indépendance est régie par l'article 22 de l'ordonnance de 1945. Sont énoncées trois incompatibilités : emploi salarié (sauf chez un professionnel comptable), activité commerciale (sauf accessoire), tout mandat de recevoir, conserver ou délivrer des fonds ou valeurs ou de donner quittance. L'article interdit « d'agir en tant qu'agent d'affaires, d'assumer une mission de représentation devant les tribunaux de l'ordre judiciaire ou administratif, d'effectuer des travaux d'expertise comptable, de révision comptable ou de comptabilité pour les entreprises dans lesquelles ils possèdent directement ou indirectement des intérêts substantiels. » Mais sont autorisés : tout mandat social dans toute société, groupement ou association (si l'indépendance est maintenue), les fonctions d'arbitre et celles de commissaire aux comptes.

Les experts-comptables peuvent également, de manière accessoire :

« 1° Effectuer toutes études ou tous travaux d'ordre statistique, économique, administratif, ainsi que tous travaux et études à caractère administratif ou technique, dans le domaine social et fiscal, et apporter, dans ces matières, leur avis devant toute autorité ou organisme public ou privé qui les y autorise ;

2° Donner des consultations, effectuer toutes études ou tous travaux d'ordre juridique, fiscal ou social et apporter, dans ces matières, leur avis devant toute autorité ou organisme public ou privé qui les y autorise, mais seulement s'il s'agit d'entreprises dans lesquelles ils assurent des missions d'ordre comptable ou d'accompagnement déclaratif et administratif de caractère permanent ou habituel ou dans la mesure où lesdits consultations, études, travaux ou avis sont directement liés aux travaux comptables dont ils sont chargés. »

Les membres de l'ordre et les dirigeants, administrateurs et salariés des associations de gestion et de comptabilité peuvent participer à l'enseignement professionnel de manière accessoire à leur activité principale (sauf s'ils ont le statut de professeurs de l'enseignement public).

Les professions comptables doivent garantir le secret professionnel et mener leur activité conformément au principe de discrétion.

Pour le commissaire aux comptes, les principes sont posés par l'article 9 du code de déontologie : « Le commissaire aux comptes respecte le secret professionnel auquel la loi le soumet. Il ne communique les informations qu'il détient qu'aux personnes légalement qualifiées pour en connaître. Il fait preuve de prudence et de discrétion dans l'utilisation des informations qui concernent des personnes ou entités auxquelles il ne fournit pas de mission ou de prestation. »

Le secret professionnel s'étend aux CAC et à leurs collaborateurs. Les CAC associés dans une société peuvent s'informer mutuellement. En cas de pluralité de CAC, celui ou celle qui divulgue seul-e les faits secrets peut être sanctionné-e. Les CAC sont liés vis-à-vis des tiers, des associés ou des membres du CSE. Ils ne sont pas liés vis-à-vis des mandataires sociaux ou pour certains actes de la compétence de l'assemblée générale des associés : irrégularités, inexactitudes, rectifications, rapports spéciaux… Le secret professionnel n'est plus applicable en cas de demande judiciaire (témoignage, expertise, communication de documents), de contrôle de la H2A, pour se défendre ou pour remplir l'obligation de révélation des faits délictueux au procureur de la République. Le secret professionnel ne peut leur être opposé dans le cadre de leur mission légale.

Pour l'expert-comptable, le secret professionnel est régi par l'article 21 de l'ordonnance qui renvoie à l'article 226-14 du code pénal (applicable aux professions dépositaires comme celles de santé ou aux CAC) et punit d'un an d'emprisonnement et de 15 000€ d'amende le délit d'atteinte au secret professionnel. Les experts-comptables sont exonérés de leur obligation dans les cas prévus par la loi. Ex : demande d'une autorité administrative, demande judiciaire… Le devoir de discrétion est prévu par l'article 147 du code de déontologie. La confidentialité suppose de ne pas divulguer d'information sans autorisation spécifique et de ne pas les utiliser pour leur bénéficie personnel ou celui d'un tiers.

Devoirs envers les parties prenantes

Les professionnels comptables ont des devoirs entre eux : la confraternité, l'assistance et la courtoisie. L'article 8 du code des CAC indique : « Dans le respect des obligations attachées à leur activité professionnelle, les commissaires aux comptes entretiennent entre eux des rapports de confraternité. Ils se gardent de tout acte ou propos déloyal à l'égard d'un confrère ou susceptible de ternir l'image de la profession.
Ils s'efforcent de résoudre à l'amiable leurs différends professionnels. Si nécessaire, ils recourent à la conciliation du président de leur compagnie régionale ou, s'ils appartiennent à des compagnies régionales distinctes, des présidents de leur compagnie respective. » L'article 161 du code des EC souligne que les professionnels comptables : « doivent s'abstenir de toute parole blessante, de toute attitude malveillante, de tout écrit public ou privé, de toute démarche ou manœuvre susceptible de nuire à la situation de leurs confrères.
Le président du conseil régional de l'ordre règle par conciliation ou arbitrage (…) les différends professionnels (…). Si les professionnels concernés ne sont pas inscrits au même tableau ou à sa suite, la conciliation est exercée par le président du conseil régional de l'ordre dont relèvent le ou les professionnels plaignants »

La confraternité passe donc par la mise en place de ces procédures de conciliation. En cas de succession d'un CAC à un autre, il faut s'assurer que le non-renouvellement du mandat n'est pas lié à une volonté de contourner les obligations légales. En cas de succession d'un EC à un autre, une lettre de confraternité informe de la reprise du dossier et il faut s'assurer que les honoraires ont été réglés.

Les professionnels comptables ont des engagements envers leurs clients. L'article 145 du code des EC évoque en miroir du scepticisme professionnel des CAC, la conscience professionnelle qui vise à établir des comptes de qualité. Chaque mission doit être effectuée avec diligence en y consacrant le soin approprié : temps, qualité, attention et application. Les professions comptables doivent exercer leur activité dans le respect des normes établies et applicables aux situations rencontrées (légales comme professionnelles). L'article 7 du code des CAC précise ainsi : « Le commissaire aux comptes doit faire preuve de conscience professionnelle, laquelle consiste à exercer chaque mission ou prestation avec diligence et à y consacrer le soin approprié. » Pour les experts-comptables, l'article 145 du code les engage à « donner à chaque question examinée tout le soin et le temps qu'elle nécessite, de manière à acquérir une certitude suffisante avant de faire toute proposition. »

L'expert-comptable a un devoir de conseil spécifique prévu aux articles 155 et suivants du code de déontologie. C'est un principe inspiré du droit de la consommation pour compenser le déséquilibre entre un spécialiste et un profane. Le devoir de conseil a quatre dimensions : le devoir d'informer le client (sur ses obligations légales et réglementaires propres), le devoir d'alerter le client (en cas de non-respect de ces obligations), le devoir d'exiger le respect des obligations du client (il doit agir pour que le client régularise sa situation et l'alerter sur les risques encourus), le devoir de mettre un terme à la prestation en cas de perte de son indépendance (interruption ou rupture du contrat pour refus de complaisance).

Conclusion

Les principes qui guident l'activité des professions comptables fondent les régimes de responsabilité et la démarche d'audit à mettre en œuvre.

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